Piouf par où commencer ? Par la fin. Je me repasse en boucle nos conversations et les cinq heures qu’on vient de passer ensemble. Il est une heure du mat’. Je suis dans le bus de nuit, au loin, je vois la fontaine de Saint Michel. A Peine trois heures avant on y croisait un réfugié bosniaque ivre qu’a fait les gros yeux quand j’ai répondu « Ja sam Hravatica » à son « Je suis yougoslave ». Je m’étais caché derrière Sabre parce que je pensais qu’il allait m’en vouloir. « Mais elle parle ma langue. - Ja me zove Marina - Mais c’est dingue elle parle chez moi. - Ja govori samo malo. » Bah merde alors, il en avait les yeux mouillés. C’est pas ce que je voulais. Je me suis rattrapée. J’ai fait une blague pas drôle et il a ri quand même. Puis ils ont fini par faire semblant de se boxer avec Sabre. Il nous a raconté un lambeau de sa vie, il m’a fait frissonner l’orphelin. Sabre avait son dernier train et moi mon bus. On s’est tiré vers Chatelet, faisant morceau de chemin avec un jeune courtier en assurance humaniste et son pote gringalet, en thèse de droit. Juste avant on s’était posé dans un Grec à Saint Michel, puis encore avant on était sur le Pont des Arts. Ah le pont des arts. C’était comme à son habitude, avec en plus une chauve-souris cerf-volant. J’avoue j’ai été à la Tav’ dans l’après-midi. J’y avais rencard avec un mec qui cherchait une assistante prod’ pour lancer un projet. En l’attendant je lisais L’inespéré, ça m’a filé les mains moites quand les avions de chasse sont passés pas loin au-dessus, c’est qu’ça faisait un bruit monstre.

Tu peux pas savoir comment hier mon regard à brûlé de sourires. Tu peux pas savoir comment j’me sentais légère devant toi. Tu peux savoir comment ça m’a fait plaisir de voir ta bouille chevelue. Même si t’as pas envie de le savoir.